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Cour européenne des droits de l’homme, affaire BOUTON / FRANCE, arrêt du 13 octobre 2022
Par arrêt du 13 octobre 2022, Tewfik Bouzenoune, associé du cabinet l’office avocats a obtenu la condamnation de la FRANCE pour violation du droit à la liberté d’expression d’Eloïse BOUTON, ancienne militante FEMEN qui avait été poursuive et condamnée pour d’exhibition sexuelle en raison d’une action militante dans l’Eglise de la Madeleine à PARIS.
Dans le cadre de cette action, Eloïse Bouton s’était déshabillée pour découvrir son torse sur lequel était inscrit « 344ème salope », en référence au « Manifeste des 343 salopes », pétition parue en FRANCE le 5 avril 1971 à l’initiative de Simone de BEAUVOIR, appelant à la dépénalisation et à la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
Dans son, arrêt, la Cour européenne des droits de l’Homme estime d’une première part que l’action militante, qualifiée de « performance » entrait dans le champ de protection de l’article 10 de la Convention protégeant le droit à la liberté d’expression :
« eu égard à son caractère militant, l’action de la requérante, qui cherchait à exprimer ses convictions politiques, dans la ligne des positions défendues par le mouvement des Femen au nom duquel elle agissait, doit être regardée comme constituant une « performance » entrant dans le champ d’application de l’article 10. La mise en scène à laquelle s’est prêtée la requérante, la poitrine dénudée, et qui était organisée selon les modalités arrêtées par le mouvement des Femen, avait en effet pour but de véhiculer, dans un lieu de culte symbolique, un message relatif à un débat public et sociétal portant sur le positionnement de l’Église catholique sur une question sensible et controversée, à savoir le droit des femmes à disposer librement de leur corps, y compris celui de recourir à l’avortement ».
D’une deuxième part, la Cour estime que la peine d’emprisonnement avec sursis prononcée à l’encontre d’Eloïse BOUTON constituait une ingérence qui n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Selon la Cour, les juridictions françaises se sont bornées à examiner la question de la nudité de sa poitrine dans un lieu de culte, isolément de la performance globale dans laquelle elle s’inscrivait sans prendre en considération :
– ni la signification des inscriptions figurant sur le torse et le dos de la requérante, qui portaient un message féministe en référence au manifeste pro-avortement de 1971 dit « manifeste des 343 salopes »
– ni les explications fournies par Eloïse BOUTON sur le sens donné à leur nudité par les militantes des Femen, auxquelles elle appartenait, dont la poitrine dénudée sert d’« étendard politique »
– ni sur le lieu de son action, à savoir un lieu de culte notoirement connu du public, choisi dans le but de favoriser la médiatisation de cette action.
En conclusions, la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que la condamnation pour exhibition d’Eloïse BOUTON à une peine d’emprisonnement avec sursis, compte tenu de sa nature ainsi que de sa lourdeur et de la gravité de ses effets, était disproportionnée au but légitime poursuivi par les juridictions internes françaises.
Cette décision historique est de nature à rappeler l’importance du droit à la liberté d’expression dans un contexte d’action militante non violente, et mettre un terme aux errements et fluctuations de la jurisprudence française à l’encontre des militantes FEMEN, en rappelant avec fermeté qu’une militante FEMEN doit bénéficier dans le cadre de son activité militante du droit à la liberté d’expression.